Photo. Eric Courtet « A côtés »
Par Isabelle Nivet. Octobre 2023
Eric Courtet. « à-côtés »
Hop la. J’ai croisé Eric Courtet au vernissage des Rencontres Photographiques, j’ai sauté sur l’occase, on a pris rendez-vous en tenant un verre de vin blanc bio dans une main et une tartine de tarama dans l’autre, on s’est retrouvés à la Galerie du Faouëdic, à Lorient, et on a parlé de sa série « à-côtés », qui comporte 120 photos, dont 40 sont exposées à l’étage de la galerie, et hop la, je lui ai proposé de m’en « raconter » cinq. Et voila t’y pas qu’au moment où je m’apprête à noter fidèlement ses paroles, je ne sais si c’est par paresse ou pour changer un peu, je lui dit : « Ah non attends attends je vais te filmer ». Alors voilà trois vidéos très courtes, pour faire la visite avec l’artiste, de ce récit qui court le long de la D769, surnommée la « Glasgow-Madrid », qui part de Caudan, à la sortie de Lorient, pour rejoindre Morlaix, Roscoff, puis l’Angleterre…
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Un homme dans les douches du stade
Eric y a passé du temps, sur cette route et celles qui se perdent dans le Centre-Bretagne : Rostrenen, Monts d’Arrée, Langonnet… Il a commencé en 2017, un chouette projet qui dessinait plutôt les contours d’un territoire un peu absent : « J’ai découvert des villages, une certaine désertification : des vitrines vides, des lieux désaffectés. L’exode vers le littoral. Je me suis renseigné, j’ai pris beaucoup de photos, comme des prélèvements ».
Et puis il y a eu la série « Pères et fils », dont Eric m’avait parlé devant la caméra de KuB : « Père et fils, c’était pour moi une urgence. Et après cette série – à laquelle je ne sais pas si je mettrai un point final un jour – deux choses avaient changé ; ça avait bousculé mon regard et ça avait amené de l’humain dans mon travail. Et ça s’est retrouvé dans mon approche de cette série. J’ai décidé d’aller à la rencontre des nouveaux arrivants, ceux qui ont quitté les villes après la crise du Covid, et plus généralement à la rencontre des gens, qui m’ont raconté leur histoire. L’aspect documentaire a basculé dans le récit photographique, avec quelque chose de l’anthropologie, la sociologie. Mon écriture photographique s’est trouvée renforcée. Il y a plusieurs narrations possibles dans les failles que j’ai laissées. »
Eric a laissé le hasard des rencontres se faire, mais a aussi donné un coup de pouce. Avec des tirages de ses photos, déposés dans les boîtes aux lettres des maisons qui l’intriguaient, provoquant la rencontre : « On a beaucoup parlé, autour des questions que je me posais sur ce territoire. J’arrivais en disant que je n’avais pas la réponse, et on avançait comme ça, avec mes propres hésitations, et eux racontaient leur rapport au territoire, aux autres habitants. Ça s’est passé dans l’échange, la confiance, en prenant le temps de les écouter. Et après j’ai pris des photos ».
Accompagnées par le tout petit livre de Mathieu Riboulet « Nous campons sur les rives », littéralement cloué au mur, les images d’Eric se déroulent calmement, comme un long ruban de bitume entre les rives de la D769, brumeuses et un peu flottantes, racontant un récit écrit assez blanc, elliptique et plein de pudeur, comme toujours. Effectivement très littéraire, on s’y installe comme dans un livre, en appuyant notre imaginaire sur ses images-mots, et en « décrochant » du réel. On sursauterait presque en entendant le bruit d’une mobylette.
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