Rouge Feu. Un projet de la Cie « Y a un trou dans le mur »
Par Isabelle Nivet. Mai 2024
« Même longueur des journées. »
« Même boule au ventre le matin. »
« Même monotonie. »
« Même fatigue et mêmes douleurs. »
« Même harcèlement, même autorité. »
« Même absence d’espace de parole pour dire le quotidien, dire le difficile. »
Collégiens et ouvriers emploient les mêmes mots pour évoquer leur quotidien lorsque l’on se donne la peine de les interroger très précisément, comme l’ont fait Julien et Sophie. A partir d’un questionnaire très précis, ils recueillent la parole d’ouvriers partout où ils passent, cherchant avant tout les mots de la répétition, les mots du corps. Des mots qui vont se tisser avec les gestes des danseurs, une bande-son unique et différente pour chaque représentation (Parallèlement, la compagnie mène le même projet avec des collégiens, avec des questions similaires, adaptées au milieu scolaire).
« Nous avons un temps de rencontre dans chaque endroit où nous donnons le spectacle, pour recueillir la parole. A chaque fois, nous recréons une nouvelle bande-son ».
Le projet, à Lorient, a été accueilli par le Centre Social Brizeux, qui a servi de base pour cette collecte de témoignages d’ouvriers d’usines. Une vingtaine de personnes a participé, avec « plaisir, fierté et émotion de se livrer sur leur vie : tous étaient chamboulés ». Des hommes et des femmes de tous âges, enregistrés individuellement sur la base du même questionnaire qu’à la création du spectacle, en 2019 à Quimperlé. Un questionnaire très concret sur la routine du travail, une journée type, leur tenue de travail, les odeurs, les cadences, les sensations, les pensées, les gestes…
« Je prends l’aileron de la dinde dans la main et j’enfonce mon couteau et puis, je sais pas comment expliquer… Un geste de rotation avec le poignet pour couper, quoi, c’est tout. C’était ça toute la journée »
Ces gestes répétitifs, ils servent aussi à la chorégraphie, dont certains passages seront repris par les témoins, qui se joindront aux sept danseurs. Des danseurs contemporains parmi lesquels on retrouve Damien Rouxel, plasticien et performeur que les Lorientais connaissent bien depuis ses expositions à l’Atelier Marcelin et à la Galerie Le Lieu (et qu’on aime beaucoup à Sorties de secours). Des danseurs qui interprètent une partition sur les gestes répétitifs, très intense, très physique, avec un partenaire qui brille, le feu, dans une esthétique épurée mais forte « Pas pour faire des effets, mais pour la matière. On danse avec. Ce sont de simples copeaux de bois qui brûlent au sol », et une création musicale atmosphérique plutôt électro, signée Quinquis (Emilie Tiersen).
> Des photos, des vidéos et des témoignages sur le site de la compagnie ICI
👁️🗨️ Rouge feu a été primé par Fondalor, Fonds de soutien aux artistes
La Cie « Y a un trou dans le mur » a été créée en 2017 à Quimperlé par Julien Barazer (auteur de scénarios, metteur en scène et réalisateur, qui s’intéresse spécifiquement au travail ) et Sophie Pellerin (Chorégraphe et directrice de la compagnie). Elle conçoit des spectacles en rue ou en salle (Crédit Photo : Christophe Plo)
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