Catherine Fontaine. Mélodie des terres
Par Isabelle Nivet. Février 2022
PARTAGEZ [addthis tool= »addthis_inline_share_toolbox_k6fc »]
Exposition Catherine Fontaine à Lorient
La Galerie du Faouëdic programme régulièrement des expositions monographiques qui témoignent du parcours et des recherches d’un artiste, composées de travaux récents et plus anciens, explorant différents médiums. C’est le cas dans « Mélodie des terres » de Catherine Fontaine, où les pièces présentées se répondent, entre installation et cabinet de curiosités mais racontent aussi l’évolution d’une artiste qui cherche et creuse.
C’est une histoire de matières : papier, encre, terre, lettre, mot. Dans cette « mélodie » que compose Catherine Fontaine à la Galerie du Faouëdic – pour la galerie – ces matériaux se fondent, se confondent, et se répondent. Dès l’entrée. Un rideau de neige fait de lettres qui composent des mots, qui eux-mêmes composent des textes poétiques sur le thème de la neige, dont l’ombre s’inscrit au sol. Une pluie de lettres, de porcelaine et de grès, une neige blanche rosissant ici ou là, tombant du plafond comme des lianes pâles. Introduction à l’exposition, cette poésie en volume raconte l’artiste et son rapport au langage : « L’écriture poétique est au centre de tout, pour moi. Le langage s’inscrit dans la matière ». Ainsi, plus loin, dans la grande salle, une étagère immense, comme une bibliothèque, porte bols, vases ou livres de céramique, qui donnent autant à lire des mots, des textes, des haïkus – gravés, en relief ou en empreintes – qu’ils portent en eux une fonction utilitaire : « J’aime garder le côté modeste de l’utilitaire, rester à la frontière dans la simplicité de l’objet. Revenir à l’origine entre le beau et l’utilitaire. Boire un thé dans un beau bol, c’est un moment de poésie, une manière d’être au monde. ».
La terre, qu’elle utilise pour ses pièces, Catherine Fontaine l’a découverte il y a quatre ans : « J’ai appris à tourner, je me suis lancée à corps perdu dans la recherche des formes, des émaux, des mots. J’ai toujours besoin qu’il y ait une idée, un texte, ce n’est pas juste de la déco, il faut qu’il y ait une pensée, une émotion ». Le jardin, le végétal, est au cœur de chaque pièce, individuellement, mais aussi dans la manière dont elles résonnent entre elles : « Chaque table d’exposition est un petit jardin ». Un végétal qui se retrouve dans la matière elle-même, puisque parmi les expérimentations de Catherine Fontaine, il y a une chose assez mystérieuse et poétique, des cendres végétales, avec lesquelles elle crée des émaux, comme ces cendres de coquelicot qui ont donné un reflet rouge à un vase, ou ces cendres d’herbes du Cantal, envoyées par l’autrice Marie-Hélène Lafon, complice de l’artiste.
L’empreinte, d’un mot ou d’un objet, se retrouve dans tout le travail de Catherine Fontaine : ses tissus, soie pliée, brodée, nouée ; ses mousselines comme de la mousse végétale ; ses dessins à l’encre de Chine, qui accueillent – grâce à des craies de graphite – les empreintes de pierres, de fossiles, de coquillages, de bois, autour desquelles se composent des théâtres végétaux inondés d’aquarelle. Des dessins où on retrouve le jet du croquis sur le vif et la couleur subtile travaillée presque comme du batik, ourlée de blanc. Composant des livres d’artistes en grand format, ces dessins illustrent des textes : celui du Syrien Niros Malek « Sous le ciel de la guerre », celui de Jean-Louis Masseboeuf « Le Jardin d’Orphée », ou encore un très joli journal de travail, frais comme une prairie de montagne au printemps « Journal des prairies ». On retiendra également l’interrogation passionnante de Marie-Hélène Lafon, « Habiter la phrase comme on habiterait un pays » sur la manière dont la géographie interfère avec notre écriture, et la façon dont Catherine Fontaine y répond graphiquement l’aide de miniatures de tissus brodés.
Notre pièce favorite. Le vase-roche, à la fois proche et lointain d’un rocher, poétique réinterprétation de la nature, porcelaine fragile contrastant avec la puissance et la force de la pierre, juste ouvert comme une faille pour y glisser la tige d’une fleur…
Catherine Fontaine. Repères.
Enseignante en arts plastiques au Lycée Dupuy De Lôme, à Lorient, de 1995 à 2018, elle mène ses propres recherches artistiques depuis 1978. Elle a dévoilé chaque année une partie de son travail au public lors des Ateliers ouverts, à Lorient, entre 2013 et 2017. Elle intègre dans son travail l’écriture d’auteurs tels que Jean-Louis Masseboeuf, son compagnon, Marie-Hélène Lafon, Niros Malek, Philippe Jacottet, Octavio Paz, Christian Dotremont, Mallarmé, Schwitters ou Thomas Vinau.
> Jusqu’au 27 mars
> En mars, trois rendez-vous autour de l’exposition : une rencontre lecture, un concert et une visite commentée en langue des signes + boucles magnétiques).
POUR ALLER PLUS LOIN DANS CETTE THÉMATIQUE