La semaine dernière on avait rendez-vous au Théâtre à la coque avec Lucille Beaune, de la Compagnie Index. Un jour banal, un petit retard, comme d’habitude. On avait accepté un déjeuner en oubliant qu’on avait calé un horaire à la con – 13h30. Textos, excuses, blablabla, on arrive échevelée au théâtre. On ne s’attend à rien et bam. Une rencontre. La rencontre. Celle dont tu ressors avec la joie, parce que ça pétillait dans les regards, dans les cerveaux, dans les mots, dans les idées. On le déclare publiquement : Lucille Beaune est une fille formidable. On a parlé philo, on a parlé mots, notamment de notre chère « sérendipité » (clin d’œil à une lectrice qui se reconnaîtra) on a parlé écriture, on a partagé des points de vue communs – beaucoup – et de son spectacle, que vous feriez bien d’aller voir, parce que si cette meuf concrétise en scène ne serait-ce que la moitié de ce qu’elle a dans la tête, ça devrait être super.

Lucille Beaune, elle travaille, elle réfléchit à des trucs, elle lit, puis elle s’installe à la table et elle écrit. Alors non, pas comme Balzac, des histoires et des dialogues, non, elle écrit des didascalies : quel objet, quel dialogue, quelle action, quelle image, quel son va dire les choses au plateau. Elle écrit son spectacle en train de se faire. Et après, elle va chercher des marionnettes pour leur faire dire les trucs qu’elle a dans la tête : « La scène avec la marionnette reflète l’imaginaire qu’on déploie quand on pense ». La marionnette met en scène une pensée, aborde ou transmet un point de philosophie : « Je parle aussi de ce qu’on fait avec les pensées qui nous dérangent, et comment on prend parfois la tangente par rapport à elles. Par exemple, à un moment, mon personnage parle de la mort, et trois secondes après elle va faire un gâteau au chocolat : qu’est-ce qui se passe quand on évite un sujet et qu’on le met sous le tapis, et qu’est-ce qui se passe quand on l’écoute et qu’on lui fait face ? »

Bon, Existences parle de notre rapport à la mort, et ce n’est pas du tout plombant, rassure-toi, spectateur-qui-veut-rire-parce-qu’en-ce-moment-c’est-pas-du-tout-drôle, tu vas aussi rire, en plus de réfléchir, avec les marionnettes que va sortir Beaune de ses beaux flight-cases en alu brossé, comme des boîtes à archives. Beaune veut vous faire des surprises, alors on ne raconte pas à quoi ressemblent ses marionnettes*, réalisées par la papesse du métier, Polina Borisova (qui a fabriqué les magnifiques personnages de Moby Dick, le spectacle de Plexus Polaire, que vous avez vu début février). Tu vas rire ET réfléchir, oui, à des questions exist(ess)entielles. Et peut-être qu’en rentrant chez toi, tu feras un gâteau au chocolat.