• et un clic là
© Fanny Latour
Infos organisateurs
Concert

Adé + Johnny Jane / Les IndisciplinéEs #18

Adé


La nature se reconstruit après le passage des ouragans, mais qu’en est-il des jeunes filles ? Sans temps mort après l’adolescence, Adé a embarqué à bord de Thérapie Taxi, vrombissant trio au succès supersonique, affolant les scènes d’Europe et les compteurs du streaming comme celui des ventes de disques durant cinq années cavalées à toutes blindes. Lucide quant à l’éphémère endurance que le carburant de leur insolente jeunesse leur accorderait, le groupe avait acté dès le départ la fin de la course et il s’y tiendra, sans regret mais avec l’assurance d’avoir accompli l’essentiel.
L’ouragan passé, la nature l’a remise à sa place. Et les aléas du confinement font naître en elle des envies de repli, seule avec une guitare, à écrire et composer des jours durant des dizaines de chansons qu’elle ne dévoilera pas mais qui constituent un prélude nécessaire à cette nouvelle aventure. De son passage éclair sous les lumières, elle a conservé le goût de l’embrasement, de la vitesse, et malgré les heures qui s’étirent au cours de cette année 2020 au ralenti, elle enchaine, garde son cap, efface et recommence. Les chansons suivantes seront les bonnes.


Alain Bashung, il y a trente ans, avait « osé » transbahuter la chanson française de Memphis jusqu’à Bruxelles (Osez Joséphine), Adé va faire le chemin inverse, ou presque. Elle n’est jamais allée aux Etats-Unis, mais elle rêve de pedalsteel, de dobro, de banjo, de mandoline et d’harmonica. Cap alors sur Nashville, où avec Romain Descampe elle prend ses quartiers dans les chaleureux studios Sound Emporium, là où avant elle d’éminentes figures du folk et de la country, de Emmylou Harris à Willie Nelson, ont fait vibrer les lambris. Trois jours en compagnie des locaux Pat McGrath et Dan Dugmore et leurs instruments roots, sous la surveillance de Chad Carlson à la console (deux Grammys sur la cheminée pour le Fearless de Taylor Swift) auront suffi à Adé pour accomplir en accéléré ce rêve américain, qu’elle prolonge par un road-trip du Nouveau Mexique jusqu’à Los Angeles en passant par les plaines cinématographiques de l’Arizona.


A cheval entre pop luxuriante et country futuriste, Adé a trouvé le bon galop, traversant en Amazone, avec justesse, aplomb et un rien de candeur, les multiples paysages de l’amour et ses météos changeantes, ses zones de turbulences et ses accalmies solaires. Dans une atmosphère de saloon perdu sous la lune, elle chante, mélancolique, « les coeurs brisés vous souhaitent une bonne année », mais les années qui s’ouvrent pour Adé s’annoncent assurément radieuses.


Johnny Jane


Caméléon autoproclamé, serpentant entre l’influence du rock anglo-saxon et celle de la chanson française, Johnny Jane revendique aussi bien son amour pour Damon Albarn, King Krule, Yung Lean ou Serge Gainsbourg. Avec ce goût prononcé pour l’hybridation et une certaine idée de la mélancolie, le jeune Orléanais, qui a grandi avec le rap, propose des morceaux gonflés d’une énergie cultivée avec ses amis et producteurs, les frères Carl et Renaud. Une immédiateté résolument tournée vers les guitares, qui tranche avec la formule piano-voix initiée dans ses premières compositions, alors tournées vers la chanson française.


Passé par le conservatoire et la photo aux Beaux-Arts de Bruxelles, Johnny Jane, artiste touche-à-tout, a en effet totalement repensé sa manière de travailler pour son dernier EP. Exemple donné avec le single Kleenex, qui s’approprie et se joue habilement des codes de la pop pour injecter une force nouvelle au projet.


Avec le bouleversant dernier album des Strokes en tête, Johnny Jane s’est concentré sur les mélodies et un travail de production cohérent avant de se mettre à écrire ses nouveaux morceaux. En résulte une collection farouchement singulière, intime, aux mélodies plus ciselées que jamais, chantant la fête pour tromper l’ennui, l’alcool pour faire aller, ou encore les amours qui finissent perdus.

x