DéDALE À VANNES. UNE GALERIE DE GRAFF
Comme dans un zoo, le street art est-il en train de se faire mettre en cage ? De l’insoumis au docile, de l’extérieur à l’intérieur, du spontané à la commande, sortis de la rue, les artistes conserveront-ils leur liberté de créer, confrontés au politiquement correct ? Devront-ils ronronner ? Conceptualiser leur démarche ? Serrer des paluches aux vernissages ? Y a-t-il risque de domestication, compromission, ou pire, tentation d’appliquer une recette : faire du graff qui ressemble à du graff ? À DéDalE, on semble être à l’abri, dans tous les sens du terme. Styles et techniques diffèrent : du graff académique – presque du répertoire – à l’installation, de l’anamorphose au volume, du monochrome au fluo, de l’épure contemporaine au fouillis.
À DéDalE, des cartels présentent les artistes – avec ou sans photo, respect de l’anonymat. Des cartels comme dans un musée – dénomination que refuse l’association porteuse du projet – posés à l’entrée de ces « cellules » ou pièces, que des dizaines de graffeurs bretons, français et internationaux ont investi, du sol au plafond, des radiateurs aux interrupteurs, couverts de graffiti – ne devrait-on pas parler d’art mural, tellement la notion de lettrage a tendance à s’effacer devant le dessin ?
Qu’est-ce qui les relie, ces artistes, à part intervenir en extérieur, sur les façades et les murs en sauvage ? Le fait d’utiliser des bombes ? De dessiner sur un autre support que des toiles ? Violaine Pondard, avec qui nous faisons la visite, parle « d’offrir une box (une pièce) aux artistes pour créer une immersion ». Bosser peinard, sans regarder derrière son épaule, sans risque de devoir laisser ses bombes pour s’enfuir en courant. L’urgence fait-elle partie du street-art ou non ? « Pour beaucoup d’artistes, c’est un métier. Ils ont des commandes, ils travaillent déjà avec des galeries… »
qui ne sont pas tous accessibles au public, notamment le 3e, qui se veut un « sanctuaire de création », réservé aux résidences artistiques, un « labo » où le travail reste « secret ». Au second, on parle de « zone libre », par opposition au premier étage, où les artistes rédigent une « note d’intention » qui conditionne l’accès au lieu. Et au rez-de-chaussée l’admission se fait sur dossier : « une demande de projet, qui doit être validée par le Directeur Artistique » . Le D.A, ici, c’est Laurent Sanchez, fondateur de l’association L’art prend la rue avec Jérôme Le Franc, bloggeurs passionnés (street-art-avenue.com). Depuis quelques années, grâce à eux, le street art s’invite sur les murs de Vannes, avec bénédiction municipale.
Le graff va t’il se faire lisser par l’intégration urbaine, bouffer par les politiques de la ville ? Amorcée avec l’apparition de spots légaux et murs d’expression libre, la mutation du graff sauvage et clandestin ne risque-t-elle pas s’amplifier et perdre son caractère subversif, activiste ? Apparemment, des questions que ne se posent pas forcément les graffeurs, capables de zapper de la commande institutionnelle à la signature de blaze la plus furtive, sans que cela ne leur pose de problèmes existentiels. Les artistes « exposés » à DéDalE ne semblent pas s’être censurés, à commencer par notre préféré, La Fleuj, au travail particulièrement léché, qui en a profité pour prendre un virage en sortant du mur, et repenser l’espace, entre bédéaste et plasticien contemporain, avec ses images militantes. Alors le graff conserve-t-il sa puissance, dès lors qu’il a été conçu pour être exposé ? L’éphémère sera sauf, à DéDalE : non seulement la destruction du lieu est annoncée mais – si les mécènes suivent – une V2 est prévue à mi-parcours, sacrifiant à la tradition du recouvrement : « De toute façon, on n’aurait pas signé pour dix ans sur un projet comme ça. Ça nous intéresse aussi pour la notion d’instant présent »
Pas plus de 199 personnes en même temps dans le bâtiment (because normes de sécurité) : visites gratuites mais inscription en ligne sur un créneau horaire.
2700 m2 dédiés aux artistes, sur la rive gauche, en plein centre + un café de 300 m2 géré par la SAS du Kiosque, et piloté par la fédération des commerçants de Vannes, dont les bénéfices seront utilisés pour animer le centre ville.
La tambouille ? Convention d’occupation commerciale et autorisation d’occupation du domaine public pour le café (ouvert en juillet 2018) // Mise à disposition à titre gratuit pour la galerie (ouverte le 29 septembre 2018).
DéDalE ? Des Expériences, Des artistes, Lieux Ephémère, ou DDE, direction départementale de l’équipement, dernier occupant des lieux jusqu’en 2015. Voulu comme un tiers-lieu – zone de rencontre et de convivialité – DéDalE a prévu « une programmation d’évènements culturels, et solidaires en partenariat avec les associations locales »
Le truc rigolo, le café-posca : pour le prix d’un café, on vous file un feutre posca pour y aller de votre petite contribution graphique ou littéraire sur le mur d’expression.
8 rue du commerce, Vannes. http://dedale.lartprendlarue.org/portfolio/visites-de-dedale/
> Compléter la lecture avec des images qui bougent, sur le site de nos copains de KuB, webmédia breton...
Le street art est-il aussi libre indoor ?
À DéDalE, des cartels présentent les artistes – avec ou sans photo, respect de l’anonymat. Des cartels comme dans un musée – dénomination que refuse l’association porteuse du projet – posés à l’entrée de ces « cellules » ou pièces, que des dizaines de graffeurs bretons, français et internationaux ont investi, du sol au plafond, des radiateurs aux interrupteurs, couverts de graffiti – ne devrait-on pas parler d’art mural, tellement la notion de lettrage a tendance à s’effacer devant le dessin ?
Alors de quoi parle-t-on ?
Qu’est-ce qui les relie, ces artistes, à part intervenir en extérieur, sur les façades et les murs en sauvage ? Le fait d’utiliser des bombes ? De dessiner sur un autre support que des toiles ? Violaine Pondard, avec qui nous faisons la visite, parle « d’offrir une box (une pièce) aux artistes pour créer une immersion ». Bosser peinard, sans regarder derrière son épaule, sans risque de devoir laisser ses bombes pour s’enfuir en courant. L’urgence fait-elle partie du street-art ou non ? « Pour beaucoup d’artistes, c’est un métier. Ils ont des commandes, ils travaillent déjà avec des galeries… »
DéDalE est partitionné par étages,
qui ne sont pas tous accessibles au public, notamment le 3e, qui se veut un « sanctuaire de création », réservé aux résidences artistiques, un « labo » où le travail reste « secret ». Au second, on parle de « zone libre », par opposition au premier étage, où les artistes rédigent une « note d’intention » qui conditionne l’accès au lieu. Et au rez-de-chaussée l’admission se fait sur dossier : « une demande de projet, qui doit être validée par le Directeur Artistique » . Le D.A, ici, c’est Laurent Sanchez, fondateur de l’association L’art prend la rue avec Jérôme Le Franc, bloggeurs passionnés (street-art-avenue.com). Depuis quelques années, grâce à eux, le street art s’invite sur les murs de Vannes, avec bénédiction municipale.
Quid alors de la question du bon goût, des belles images ?
Le graff va t’il se faire lisser par l’intégration urbaine, bouffer par les politiques de la ville ? Amorcée avec l’apparition de spots légaux et murs d’expression libre, la mutation du graff sauvage et clandestin ne risque-t-elle pas s’amplifier et perdre son caractère subversif, activiste ? Apparemment, des questions que ne se posent pas forcément les graffeurs, capables de zapper de la commande institutionnelle à la signature de blaze la plus furtive, sans que cela ne leur pose de problèmes existentiels. Les artistes « exposés » à DéDalE ne semblent pas s’être censurés, à commencer par notre préféré, La Fleuj, au travail particulièrement léché, qui en a profité pour prendre un virage en sortant du mur, et repenser l’espace, entre bédéaste et plasticien contemporain, avec ses images militantes. Alors le graff conserve-t-il sa puissance, dès lors qu’il a été conçu pour être exposé ? L’éphémère sera sauf, à DéDalE : non seulement la destruction du lieu est annoncée mais – si les mécènes suivent – une V2 est prévue à mi-parcours, sacrifiant à la tradition du recouvrement : « De toute façon, on n’aurait pas signé pour dix ans sur un projet comme ça. Ça nous intéresse aussi pour la notion d’instant présent »
DéDalE en pratique
Pas plus de 199 personnes en même temps dans le bâtiment (because normes de sécurité) : visites gratuites mais inscription en ligne sur un créneau horaire.
2700 m2 dédiés aux artistes, sur la rive gauche, en plein centre + un café de 300 m2 géré par la SAS du Kiosque, et piloté par la fédération des commerçants de Vannes, dont les bénéfices seront utilisés pour animer le centre ville.
La tambouille ? Convention d’occupation commerciale et autorisation d’occupation du domaine public pour le café (ouvert en juillet 2018) // Mise à disposition à titre gratuit pour la galerie (ouverte le 29 septembre 2018).
DéDalE ? Des Expériences, Des artistes, Lieux Ephémère, ou DDE, direction départementale de l’équipement, dernier occupant des lieux jusqu’en 2015. Voulu comme un tiers-lieu – zone de rencontre et de convivialité – DéDalE a prévu « une programmation d’évènements culturels, et solidaires en partenariat avec les associations locales »
Le truc rigolo, le café-posca : pour le prix d’un café, on vous file un feutre posca pour y aller de votre petite contribution graphique ou littéraire sur le mur d’expression.
8 rue du commerce, Vannes. http://dedale.lartprendlarue.org/portfolio/visites-de-dedale/
> Compléter la lecture avec des images qui bougent, sur le site de nos copains de KuB, webmédia breton...
ISABELLE NIVET. Octobre 2018