Jazzbox. Coup de coeur pour un mini théâtre d'images
Pour cette semaine de rentrée, on va vous raconter une histoire. Une longue mais une seule. Celle d’une journée de crachin, une journée de grippe qui n’en finit pas, une journée de cheveux mous et de cernes sous les yeux, une journée de lassitude et de moral en berne. Une journée où on traîne des pieds lourds, une journée où on ne serre pas les mains pour ne pas refiler ce putain de virus, qui nous enveloppe dans un nuage narcotique. Une journée grise, molle et longue.
Et tout à coup, ça vous tombe dessus. Le miracle. On dit que les coups de foudre arrivent souvent comme ça, au moment où on s’y attend le moins.
Et nous, ce lundi de janvier, on est tombée en amour, foudroyée, embarquée, dans huit voyages merveilleux au(x) pays du jazz : Tokyo, Paris, Detroit, Chicago, La Havane, New-York, Addis-Abeba.
On vous raconte : huit cabines comme des isoloirs, fermées par un rideau. Mettre le casque accroché sur la gauche. Appuyer sur le bouton bleu. Se laisser partir. Dans les oreilles, les choix de Philippe Méziat, immense journaliste de jazz. Devant les yeux, ce que nous vous laisserons nommer vous-mêmes - des maquettes sans doute, celles de Cécile Léna. Pour nous plateaux de cinéma, plongées, téléportations, immersions. Il ne se passera rien de plus que la musique et la découverte d’un lieu animé par la grâce des lumières qui évoluent finement pour créer une « histoire » et en révéler différentes facettes. Trois minutes d’un spectacle pour un seul spectateur.
Vous le savez, nous aimons vous parler d’une chose en évoquant trois autres, piocher dans notre valise d’amours passées, pour vous amener à saisir ce que nous avons ressenti. Cécile Léna et Philippe Méziat, font pareil, en choisissant dans leurs univers des références, images, sons, qu’ils nous donnent sans narration, parce que c’est vous qui allez construire votre histoire.
Jarmusch, Hopper, Wong Kar-Wai, Wenders ou Duras. Les enseignes des boîtes de jazz dans la nuit new-yorkaise. Hemingway, Pandora, et les hôtels rétros. Ingrid Bergman et son "Play it again, Sam" : nous avons retrouvé dans Jazzbox nos échos, nous avons hâte de savoir ce que vous allez y voir.
Les huit boîtes sont intelligentes, esthétiques, poétiques, les huit extraits sont signifiants, emblématiques, magnifiques. Deux cependant nous ont bouleversée, à commencer par Yeltyopya, parce que Mulatu Astatke et le jazz éthiopien, et parce que c’est peut-être la boîte où le concept d’ambiance est porté à son paroxysme, nous plongeant avec une sensualité lascive au coeur d’un décor entre Out of Africa, Coup de torchon, et la moiteur Durassienne. La seconde, Tokyo, dessine un hall d’hôtel sixties sublime qui nous rappelle les couleurs et les motifs de In the mood for love, ou 2046, et nous a fait découvrir un saxophoniste, brut et âpre, que nous ne connaissions pas, Barney Wilen.
Quel infini luxe et quel cadeau nous est fait là : un spectacle sans texte ni comédiens. Le cadeau de la beauté que nous offre Cécile Léna, son idée de la beauté, de la lumière, des couleurs, d’un cadrage, qui, si vous avez la chance de la partager avec elle, vont littéralement vous emporter. Pour nous, Jazzbox, est déjà, le 6 janvier, le plus beau spectacle de 2020...
ISABELLE NIVET JANVIER 2020