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Jean-Clone. IA, graines et bactéries

19 décembre 2024. Isabelle Nivet

Jean-Clone Sorties de secours

Jean-Clone (vu au Théâtre du Blavet le 5 décembre)

Excellent collectif dont fait partie Julien Mellano, Aïe Aïe Aïe invente des spectacles aux propos et aux esthétiques constamment renouvellé·es. De la recherche, toujours, des questionnements sur comment faire récit, comment faire théâtre, à base d’objets, souvent. Un grand M sur le mot « mise en scène ». Et cette fois, avec Jean-Clone (quel titre formidable !), de la mise en scène, ma doué benniget, il y en a. A peu près l’exact opposé du minimalisme. Même si, et c’est chouette, on est ici dans du Ridley Scott low tech, des accessoires qui composent un univers de science-fiction complètement crédible.

 

D’une capsule-gousse-graine, sortent un à un des clones verts, portant un costume aussi drôle que malin, deux doudounes vertes, l’une enfilée normalement comme une veste, la seconde comme un pantalon. Entre la combinaison spatiale bio et le babygro petit-pois, les Jean-Clones portent un masque de simili Einstein, et une perruque blanche ébouriffée. Sur l’exoplanète où ils ont atterri, le temps passe beaucoup plus vite que sur terre, ils n’ont donc chacun qu’une dizaine de minutes pour accomplir leur mission. Sans (trop) dévoiler le spectacle (pas sûr) on dira que la belle idée, c’est d’avoir utilisé de la mousse à mémoire de forme pour créer des organismes étranges, qui « vivent » en scène. C’est très beau, carrément contemplatif. On jubile de voir comment Mellano s’est emparé des sciences naturelles, de la biologie et de l’IA. Sans qu’on éclate de rire, c’est futé, imaginatif, référencé, visuel mais aussi bourré de dialogues décalés, très simples mais franchement marrants, des conversations à la fois loufoques et banales. Chaque clone qui débarque pose la même question « C’est quoi cette merde ? » et s’étonne de la coiffure de son clone, avant de réfléchir plus scientifiquement.

 

On comprend vite que le temps que les Jean-Clones comprennent le but de leur mission et tachent de s’en acquitter, ils seront tous morts. Et oui, c’est drôle – enfin, pas tout le temps – mais surtout, on ressort de là avec 10000 questions ? Qui a envoyé ces clones dans l’espace ? Est-ce une mission de colonisation ? Pourquoi l’IA n’a-t-elle pas trouvé un moyen de s’alimenter en énergie pour poursuivre sa mission ? Les bactéries ont-elles pris le pouvoir ? Ont-elles affrété ce vaisseau pour permettre leur survie en utilisant les corps des Jean-Clones, qui, en se décomposant, ensemenceront cette exoplanète ? Est-ce la fin de l’espèce humaine ? Etait-ce une bonne idée de choisir des clones vieux – pour leur expérience et leur connaissances scientifiques – sachant qu’ils n’auraient que très peu de temps pour mettre en place leur hybridation avec la matière organique de la planète ? Questions géniales, surfant sur les études pointant la relation maître/esclave que nous vivons avec les bactéries, les théories survivalistes, le pouvoir de l’intelligence artificielle, les biotechnologies, le transhumanisme… En résumé, une forme formidable et un fond fondamental.

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