« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Cette phrase, aussi bien trouvée que vide d’effets par la suite, pourrait se transformer en « notre maison nous tue et nous regardons ailleurs ». Tout inquiet·e·s et concerné·e·s que nous sommes par l’agro-alimentaire, les SUV, l’avion et tout le reste, on en oublierait de balayer devant notre porte, et pour une fois, au sens propre du terme.
Nous passons en général 80% de notre temps à l’intérieur, selon les chiffres de l’ADEME, entre notre lieu de travail, notre domicile, notre voiture, nos loisirs. Chiffre qui a sans nul doute tendance à augmenter depuis une année… Si nous sommes inquiets de la pollution extérieure, on oublie bien souvent la pollution intérieure. Pourtant l’air que nous respirons le plus est celui de nos intérieurs, et c’est aussi le plus pollué, de surcroît de façon continue. Plusieurs facteurs ont fait augmenter la pollution de nos airs intérieurs ces dernières années, en premier lieu le fait que nos logements sont de mieux en mieux isolés. Si c’est effectivement positif d’un point de vue énergétique – car cela signifie qu’il y a moins de déperdition de chaleur, et donc moins de dépenses d’énergie – cela engendre une moins bonne ventilation naturelle de nos intérieurs, et donc des polluants qui stagnent, concentrés dans nos logements.
Ces polluants qui sont partout
D’où viennent ces polluants qui altèrent la qualité de l’air ? Malheureusement, ils sont partout* ! Il y a la diffusion très lente de certains polluants venant de nos meubles, de nos décos diverses et variées, des matériaux de construction de nos habitats. Il y aussi la diffusion plus vive de polluants au gré de nos activités (produits ménagers et d’entretien, de bricolage, produits de toilette, parfums et parfums d’intérieur, bougies, insecticides, tabac, etc). Et puis aussi nos animaux d’intérieur, les moisissures, les acariens. Cerise sur le gâteau, nous nous auto-polluons même avec nos propres émissions de CO2, si si.
On peut ajouter – pour boucler la boucle – nos systèmes de chauffage comme source de pollution s’ils sont un peu vétustes ou mal entretenus… Toujours en cause, une ventilation mal installée ou mal entretenue qui peut favoriser la présence de polluants et les disperser dans le logement.
Autre source de pollution importante : l’humidité. Qu’elle soit du fait de nos activités (cuisine, séchage du linge, lavage des sols…) ou de la structure des bâtiments (remontées capillaires, infiltrations…) ou même de notre simple existence (un adulte produit environ 55 g de vapeur d’eau à l’heure), les sources d’humidité sont nombreuses. Alors la vapeur d’eau n’est pas polluante en elle-même, mais elle fait proliférer moisissures et acariens ; elle fait aussi se dégrader les colles, qui dégagent les fameux COV, composés organiques volatils.
Les conséquences ?
La santé, évidemment, avec une gradation de troubles qui vont de la simple gêne (irritation des yeux, du nez, de la gorge…) à des effets plus sérieux comme des troubles respiratoires, de l’asthme, des nausées, des toux. Sans oublier l’ombre du cancer qui plane toujours, les maladies chroniques, les maladies cardio-vasculaires… Le problème, c’est que quand on ne voit pas immédiatement les conséquences, on a tendance à fermer les yeux. « Notre maison nous tue et nous regardons ailleurs », on en revient toujours là. Il aura fallu bien longtemps pour qu’on se rende compte que l’amiante était néfaste, avec un paquet de morts au passage. Une étude estime à 19 milliards d’euros le coût annuel des effets sur la santé d’une mauvaise qualité de l’air intérieur en France**.
Les solutions !
Heureusement, il y en a. Et elles ne sont pas très compliquées à mettre en oeuvre, finalement. (Et ouf, parce que la liste des choses à changer et/ou améliorer s’allonge de jour en jour, et à chaque chronique, bonjour la charge mentale.) Une fois de plus, on peut juste faire preuve de bon sens.
Pour réduire les polluants des poussières, on peut déjà simplement enlever nos chaussures, ça semble tout bête comme ça, et pourtant. Aspirer au lieu de balayer, préférer les sols comme le parquet et le carrelage aux moquettes et aux revêtements plastifiés (le PVC peut contenir 50 % de phtalates, suspectés d’être des perturbateurs endocriniens…). Et dépoussiérer régulièrement avec un chiffon humide, histoire que la poussière ne retombe pas…
On peut aussi éviter les polluants de l’air intérieur, et là, pas de secret, on ventile ! Au minimum deux fois par jour, même l’hiver, et de façon systématique après les douches pour éviter la condensation et les moisissures. Ensuite, on dégage tous les produits en spray ou en bombe, les parfums d’intérieur, les pesticides, les insecticides, les lingettes parfumées, tous les produits étiquetés anti-bactériens ou désinfectants. D’ailleurs, au passage, notre société javellisée n’aura pas limité le nombre de maladies, « a priori ». Donc le Cif on oublie. Tant mieux, ça ne polluait pas uniquement l’air intérieur, parce que ces produits, on les retrouve aussi dans l’eau…
Les encens, les bougies, le papier d’Arménie… pas top, même naturels. Et si on veut vraiment en utiliser (ben oui, ça apaise et aide aux séances de méditation), on les choisit naturels et bio. Et dans tous les cas, on aère, car cela reste une combustion, et une combustion, c’est monoxyde de carbone, particules fines et tutti quanti. Si on utilise encens ou parfums d’intérieur pour masquer une mauvaise odeur comme celle du tabac, c’est le combo perdant. Mauvaise odeur, on aère. Et on change d’habitude pour que cela ne sente plus mauvais. On cherche les causes, pas à masquer les conséquences.
Pour les peintures, on cherche celles qui portent l’étiquette A+, et même ainsi, on emménage pas de suite dans la pièce. Idem pour les nouveaux meubles et les tapis, on les laisse s’aérer quelques jours dans une pièce à part, avant de vivre et de dormir à côté d’eux. Encore une fois, on se fie aux labels parce que le mot « naturel » ne garantit pas grand chose sur une étiquette… et on cherche les pictos de « danger » sur les étiquettes, qui sont souvent réduits au minimum obligatoire pour ne pas alerter le consommateur.
Ben oui mais alors, on devient tous bobos-écolos-crados ? Suite au prochain épisode…
Pour aller plus loin :
- On se teste sur « Un bon air chez moi »
- Plein d’infos dans ce petit guide de l’ADEME
Équipements
- Ameublement (bois collés)
- Ventilation et climatisation mal entretenues
- Chaudière ou cuisinière à bois mal entretenues
- Production d’humidité des machines à laver, sèche-linge…
- Poubelles, stockage des déchets
- Cheminée ou poêle mal entretenus
Sol
15. Emanations naturelles (radon), sols contaminés
Matériaux de construction et de décoration
Air extérieur
19. Gaz d’échappement, activités industrielles ou agricoles, chauffage au bois non performant, pollens…
* Les principales sources de pollution de l’air intérieur, selon l’ADEME
** Source : ANSES, ABM, CSTB, Étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur
Géraldine Berry. Avril 2021
IG @geraldineberry_lorient
Imparfaite, incomplète mais engagée, j’essaye de participer au jour le jour à une société plus verte, persuadée qu’une goutte d’eau dans la mer, c’est déjà ça.
Parce que la coopérative Biocoop Les 7 épis est une entreprise engagée et militante, elle finance cette chronique et nous permet d’offrir une rubrique orientée solutions, dans l’objectif de donner des clefs pour agir…
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