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Pierre Morice. Le jeu des influences

Par Isabelle Nivet. Mars 2021

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Pierre Morice , c’est la première expo de sa life, comme dirait, euh, qui dirait ça au fait aujourd’hui ?

Alors donc, nous, nous y voilà, un samedi après-midi gris et bleu, assise sur un petit tabouret froid, avec un masque pour nous et une bière pour lui. C’est la première interview de sa vie, il le dira à la fin, soulagé de voir que ça peut être quelque chose de très simple et de confortable.

On commence à l’apprivoiser avec une question facile, qu’on utilise souvent pour entrer en contact et trouver des fils de question à tirer. On lui demande de nous résumer son parcours, et il s’avère très rapidement que ces parties d’interviews dont on ne tire habituellement pas grand-chose, vont se révéler ici signifiantes, puisqu’on apprend que le monsieur est Lorientais, d’une famille de marins, et qu’il a passé son enfance sur l’eau, une eau qui se retrouve presque systématiquement dans ses toiles, sous forme de vagues ou de reflets sur lesquels il est bon de se pencher avec attention, puisqu’ils sont loin d’être ce qu’ils paraissent.

En effet, si ces reflets sont plutôt précis par rapport à l’image inversée qu’ils dessinent, ils sont aussi tout autre, des motifs, des formes, mi organiques, mi géométriques :

« Il y a toujours le jeu entre la réalité qui devient motif, et des formes étranges ou des choses qui n’existent pas ».

Ecailles de tortues, écorces d’ananas, organismes cellulaires, on peut y voir ce que l’on veut, si on le veut, lui, il navigue entre les deux, le réel et l’imaginaire, toujours. Car l’homme, on l’apprend au fur à mesure de la conversation, est géologue et rêveur. La géologie l’a amené à travailler longtemps à l’étranger, nourrissant ses rêves de paysages et de formes.

Un processus qui est la clé de son travail : bourrer son cerveau d’images, de souvenirs, de motifs, qu’il restitue sous la forme de dessins :

« Je suis un grand consommateur d’images, de photos, d’illustrations, d’articles de presse. Les images de mes voyages restent dans ma tête, parfois, j’en ressors qui ont vingt ans… ».

Le rêve, le vrai, celui de ses nuits, fait souvent le reste : « Je suis très attaché aux rêves. J’ai la chance de beaucoup rêver, des rêves interminables et colorés. J’ai une géographie assez précise de certains endroits dont j’ai rêvé, notamment un estuaire où je me promène souvent en rêve. Ce sont toujours de très grands espaces ouverts, que je regarde depuis un point de vue en hauteur ».

De ces images, bric à brac comme un grenier de souvenirs, l’artiste extrait des objets pour composer un décor où se mélangent les échelles, les perspectives, comme un paysage mental qu’il reproduirait, un décor à la fois réel et onirique. Très onirique. Et étrange. Car s’y mélangent des idoles et des statues évoquant les civilisations aztèques ou mayas, des crânes d’animaux ou de poisson, et des ammonites, le motif favori de l’artiste, ces mollusques fossilisés en spirale : « Chaque objet porte en lui un sens, ou résonne d’un tableau à un autre. Les ammonites, c’est ma passion, mais c’est aussi lié à mon travail. Leurs volutes symbolisent le temps qui passe, c’est comme un lien au temps ».

Chaque tableau raconte une histoire, qui n’est pas dite, et les Lorientais s’intéresseront sûrement plus particulièrement à une toile étonnante, représentant la base des sous-marins, réinventée par les silos du port de commerce venant la coiffer, ponctuée de pins et cyprès donnant à l’ensemble un air de pyramide inca dans un décor de Toscane, composant un paysage de science-fiction à la Hunger Games. Ou encore cette vue du port de Lorient depuis l’île Saint-Michel, depuis l’intérieur d’un vieux bâtiment, mixé dans l’imaginaire du peintre avec une vue de New-York depuis l’infirmerie d’Ellis Island. Dernier détail : signées d’un très joli petit cartouche comme une écriture primitive, les toiles de Pierre Morice ne sont pas à vendre, mais l’artiste en a tiré des reproductions, qui permettront à ceux qui auront un coup de cœur pour elles, de repartir avec des images de très bonne qualité sous le bras…

« L’île des morts », une toile d’Arnold Böcklin (on vous mets en lien un super documentaire d’arte en images virtuelles, très très beau et complètement dans l’esprit Morice)

 

 

« Au dessus du repos éternel », une oeuvre d’Isaac Levitan, présentée par le Musée d’Orsay

 

 

et nous, ça nous a fait penser à quoi ?

 

aux jeux vidéo des années 90, qu’on a tant aimé pour leur côté flottant, étranger très très onirique :  Riven ou Myst

 

mais aussi à un jeu beaucoup plus récent, Monument Valley, une magnifique appli pleine de poésie, où l’on doit conduire un petit personnage au long d’escaliers à la Escher, qui troublent nos perceptions et se jouent des perspectives…

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