Il y a quelques semaines, à ce même endroit, je m’interrogeais sur le juste prix de nos vêtements tandis que nous étions en pleine période de soldes. La réflexion est en effet tentaculaire : elle est sociale, elle est financière, elle est marketing, elle est notre besoin de consommer, elle est éthique. D’ailleurs cette chronique avait rapidement pris un tournant humain, sûrement parce qu’à mes yeux, la transition écologique ne pourra pas se faire sans une évolution sociale. J’avais pris un engagement lors de cette chronique, celui de donner quelques données chiffrées sur l’industrie textile et dresser le bilan de ce qu’elle représente pour notre planète. Dont acte.
Mais j’avais aussi envie de donner quelques solutions, pour sortir de cette fast-fashion, nocive tant pour la planète pour que ses habitant·e·s.
Alors allons-y avec quelques chiffres, histoire de se donner le moral. Si on fait abstraction des conditions humaines dans lesquelles sont fabriqués la plupart de nos vêtements, quel est le problème pour l’environnement ?
Il y a les émissions de gaz à effet de serre, l’épuisement des ressources énergétiques et hydriques, les produits chimiques toxiques utilisés, la pollution de l’air, de l’eau, du sol, le transport, et les déchets, bien sûr. En chiffres, selon l’Oxfam, ça donne par exemple 1,7 milliard de tonnes de CO2 par an en 2017, soit près de 10 % des émissions totales pour la simple industrie textile.
On pourrait s’arrêter là. Mais non, on ne prendrait pas assez conscience des choses. Côté besoin en eau, ça donne l’équivalent de 70 douches pour produire un tee-shirt en coton. Tu le vois le truc ? Tu coupes l’eau pendant que tu te laves les dents, tu ne tires pas la chasse d’eau à chaque pipi (9 litres par chasse d’eau en moyenne), mais en achetant 3 tee-shirts en soldes, t’as tiré à peu près 23 chasses d’eau. Tout se calcule, et tout est effarant. Oui, c’est déprimant. Mais comme on a envie de solutions, on va changer de paragraphe.
Positive attitude
Personne ne m’aura attendue pour découvrir Emmaüs, les trocs et puces, et Vinted. Oui, une des solutions est bien sûr le seconde main. En 2018, près de 129 milliards de vêtements ont été fabriqués pour environ 7 milliards d’habitants, soit une moyenne annuelle de 18 pièces par personne, qui viennent s’ajouter aux 18 pièces de l’année précédente, et ainsi de suite… Ceci étant une moyenne et ne concernant qu’une frange aisée de la population mondiale, bien sûr. Le souci, c’est qu’on se lasse très vite de nos vêtements. Ne nous flagellons pas, tout est fait pour ça, nous ne sommes pas coupables… En Europe, on se débarrasse chaque année de 4 millions de tonnes de textiles. Cela signifie qu’au-delà des problématiques environnementales de fabrication, nous n’avons pas besoin de ces vêtements puisque nous cherchons à nous en débarrasser très rapidement. Il y a sur terre aujourd’hui suffisamment de vêtements déjà produits pour que nous n’ayons plus besoin d’en acheter. Attention néanmoins au piège d’applis telles que Vinted : à la base, c’est vertueux, j’achète d’occasion, donc ce n’est pas à cause de moi que ce tee-shirt a utilisé de l’eau (genre c’est pareil, le poisson il était déjà pêché, ça ne change rien que je le mange). Effectivement. Mais si indirectement on cautionne certaines marques en les achetant, si en faisant gagner de l’argent à certaines personnes qui elles, iront consommer, si on revend rapidement pour mieux acheter autre chose, on participe à ce grand engrenage, on ne sort pas du consumérisme. D’occasion ou non, essayons donc de rester connecté·e·s à nos besoins, au nombre de vêtements qui nous sont réellement nécessaires. Essayons d’analyser vraiment ce que nous mettons. Sans surprise, souvent la même chose. Donc pas coupables, mais responsables.
On peut aussi recycler, recoudre, réparer, raccommoder, tout ce que faisait Mamie en fait. On peut aussi bien sûr acheter mieux quand on achète neuf. Se renseigner sur les matières. Eviter le synthétique issu du pétrole (Polyester, Polyamide, Polyuréthane, Acrylique…), choisir des fibres naturelles comme le chanvre, le lin, la soie (éviter le coton, dont la culture est très gourmande en eau – 2700 litres d’eau pour un sweat-shirt – et en pesticides, donc au minimum, le choisir bio), favoriser certaines fibres recyclées ou artificielles comme le Modal ou le Lyocell, et, enfin, comme bien souvent, se fier aux labels.
Vous allez me dire que c’est un peu la jungle tout ça, et qu’on est vite perdu·e·s. Oui c’est vrai, on s’y perd. Quand on pensait bien faire avec Vinted, paf, on se rend compte qu’au bout du compte, ce n’est pas génial non plus parce que nous avons juste déplacé notre posture de consommateur·trice du neuf vers l’occasion, sans se sentir concerné·e·s par le fait qu’on achète toujours trop, et que la production n’est pas en baisse. On est fière·e d’avoir acheté un pull dans une belle matière naturelle, sans acrylique, et tant pis si on a dû casser son PEL ? Mince, le 100 % laine vierge en provenance d’Australie, ben c’est pas top non plus côté souffrance animale…
Heureusement, il y a des gens supers qui ont pensé à tout pour nous aider à nous y retrouver et continuer à aiguiser notre œil et notre esprit.
LES OUTILS
Pour avoir un bon bilan assez ludique de l’industrie textile ICI
(LE COUP DE CŒUR DE LA REDACTION, un site tout en infographie de l’ADEME, dont les illustrations de cet article sont extraites)
L’appli Clear Fashion note les marques sur les questions environnementales, humaines, de santé (oui oui pas top certaines substances pour notre épiderme…) et sur le bien-être animal. Ce qui est bien, c’est que les marques, ben ça les fait un peu flipper tout ça. Parce que derrière l’appli se cachent des hommes et des femmes qui les interpellent sur des problématiques telles que celle des Ouïghours, et qui publient les réponses sur leur compte Instagram Côté chiffres : plus de 350 marques évaluées, plus de 150 000 utilisateur·rice·s en un an. On ne le dira jamais assez, il faut s’informer.
Géraldine Berry. Mars 2021
IG @geraldineberry_lorient
Imparfaite, incomplète mais engagée, j’essaye de participer au jour le jour à une société plus verte, persuadée qu’une goutte d’eau dans la mer, c’est déjà ça.
Parce que la coopérative Biocoop Les 7 épis est une entreprise engagée et militante, elle finance cette chronique et nous permet d’offrir une rubrique orientée solutions, dans l’objectif de donner des clefs pour agir…
LE POINT DE VUE DE LA REDACTION – Isabelle Nivet
Je me suis sentie vachement concernée par cet article, parce que je suis la reine du short à 8 € à rayures turquoise et châtaigne, porté une fois et donné à une copine la saison suivante. Alors j’ai repensé à l’histoire de ma copine Rosemary, lorsqu’elle a quitté une grande maison à la campagne pour un appartement en centre-ville, et s’est donné pour objectif de réduire sa garde-robe à 50 pièces tout compris. Cet été, à l’apéro-copines, on s’est amusées à faire la liste de ce que devrait contenir notre vestiaire idéal, et en revenant à mon placard, pourtant trié, je me suis rendue compte qu’encore pas mal de vêtements n’en sortaient jamais.
Tout un tas de méthodes existent sur le tri de nos vêtements, se basant sur la définition de notre style personnel, nos erreurs passées, les couleurs et les formes qui nous vont le mieux, afin de constituer une sorte de vestiaire minimaliste où des vêtements de base – mais de bonne qualité, à garder longtemps – pourront se combiner ou se superposer en toute circonstances et toutes saisons. Comme celle de Béa Johnson, du blog zero waste home, à découvrir ICI
Par ailleurs, on peut aussi évoquer la question de l’acte de consommation dans cette période de privation de liberté où l’acte d’achat est presque devenu une injonction dogmatique, mais ça, c’est un autre débat…
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