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slow fashion en Bretagne Sorties de secours raphael baldos

Slow fashion en Bretagne : oui, c’est possible !

L’industrie de la mode est régulièrement pointée du doigt comme l’une des plus polluantes au monde. Mais en Bretagne, plusieurs acteurs de la production textile bretonne résistent encore et toujours aux sirènes de la mondialisation. Oui, on peut fabriquer en Bretagne des vêtements beaux et durables.

Pour afficher « fabriqué en France » (alias « Made in France ») sur l’un de ses produits, le fabricant doit s’assurer que celui-ci répond aux critères d’origine non préférentielle établis par le Code des douanes de l’Union européenne. S’il n’est pas entièrement obtenu en France, le vêtement doit avoir subi en France sa dernière « transformation substantielle ». Substantielle signifie que le produit n’est plus le même après la dernière étape de fabrication. Bon, c’est sûr, c’est pas demain la veille que tous nos vêtements seront fabriqués en Bretagne, ni même en France. Entre 1990 et 2010, 90 % des entreprises textiles ont fermé en France. Mais il existe des boîtes, anciennes ou très récentes, qui résistent aux sirènes de la mondialisation.

Aucun label pour certifier une production 100 % locale
Prenez Le Minor, à Guidel. Dans cette PME de 60 personnes, on l’on fabrique depuis 1922 des pulls, des marinières ou des manteaux, la plupart des étapes avant la confection sont effectuées sur place : le tricotage, pour concevoir les étoffes, la découpe, essentiellement manuelle. « Il n’y a que la filature qui n’est pas faite sur place. Nous achetons des bobines de fil de coton et de laine et nous fabriquons entièrement nos pièces sur place. Il n’y a aucun label pour pour certifier cette production totalement locale », explique Sylvain Flet, son directeur général. Le Minor réalise 50 % de son chiffre d’affaires annuel de 4 millions d’euros en France, essentiellement en vente directe (le magasin d’usine vaut le détour), et 50 % à l’export (principalement le Japon). « Nous ne nous positionnons pas sur l’accessibilité des prix. Nous sommes chers parce que nous ne sacrifions rien. Notre modèle est patrimonial, et notre qualité incomparable : nos vêtements sont faits pour durer une vie », affirme Sylvain Flet. Le Minor est labellisée « entreprise du patrimoine vivant » par l’Etat, qui distingue les entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels jugés comme d’excellence. Un modèle vertueux : Le Minor se targue d’une croissance de 43 % de ses ventes sur le web !

Le fameux ciré jaune, toujours fabriqué à Trégunc
Plus à l’ouest, Armor-lux fabrique environ 40 % de ses collections de vêtements et sous-vêtements dans ses ateliers de Quimper. « Nous disposons d’un des derniers outils de production textile intégrés verticalement qui nous permet de maîtriser l’ensemble des étapes de fabrication d’un article en maille : tricotage, teinture/ennoblissement, coupe, confection », souligne Grégoire Guyon, directeur de la communication du groupe, qui emploie 600 personnes en France, dont 350 à Quimper. Armor-lux y fabrique les tricots unis et rayés destinés à la fabrication de produits finis, les marinières, sous-vêtements en maille notamment ceux en laine et soie, des petites séries pour des clients français et export ou pour des collaborations comme celles en cours avec Le Slip Français, des articles pour des clients professionnels.

« Fabriquer une partie de nos vêtements dans nos ateliers fait partie de l’ADN de la marque et de ses engagements en faveur de l’emploi, de la qualité et de l’environnement », ajoute Grégoire Guyon.

Côté mer, le fameux ciré jaune Guy Cotten est toujours fabriqué à Trégunc, dans le Finistère. « 70 % de notre production est bretonne, et 30 % dans notre usine de Madagascar. Toutes les matières sont fabriquées et coupées chez nous », explique François Bertholom, directeur général de cette PME créée en 1964. Les 150 salariés travaillent des matières fabriquées à 75 % en France, 15 % en Belgique et 5 % au Japon (certaines membranes technique et le néoprène de qualité). « Nous n’avons que six fournisseurs, les mêmes depuis 40 ans, voire 55 ans pour notre fournisseur ardéchois de PVC », ajoute François Bertholom.

Une nouvelle filière textile locale
La philosophie de ces puristes du vêtement marin : fabriquer en France des produits durables (d’après le navigateur Roland Jourdain, un Cotten dure trois fois plus longtemps qu’un équivalent chinois) et les réparer, même trente ans après. La preuve en image à l’école de voile de Riec-sur-Belon, où les cirés Guy Cotten durent plus longtemps que les dériveurs !

Plus récemment, des initiatives se sont multipliées autour d’une filière textile locale. La marque Breizh Mode, créée en 2014, illustre parfaitement ce renouveau. Cette initiative de la Scamor, coopérative d’approvisionnement des enseignes E.Leclerc de Bretagne, fédère une dizaine d’ateliers locaux qui ont résisté aux sirènes de la délocalisation. L’atelier Roc’han Maille, installé à Rohan dans le Morbihan, est l’exemple type de ces entreprises qui font vivre la filière textile bretonne. Labellisée France Terre Textile, cette PME produit entre 20 000 et 22 000 pièces par an, dont 60 % à l’export, tout en maintenant 25 emplois locaux. Pour Breizh Mode, l’atelier signe depuis dix ans un indémodable : le pull marin décliné en divers coloris.

La slow fashion bretonne démontre donc qu’une alternative existe face au modèle dominant de la fast fashion. Entre innovation technique, préservation des savoir-faire traditionnels et conscience environnementale, elle dessine les contours d’une mode plus responsable. Alors que la production textile française ne représente que 1 % de la production mondiale, ces initiatives locales prouvent qu’un autre modèle est possible, plus respectueux de l’environnement et des travailleurs.

Raphaël Baldos. Novembre 2024

La rubrique « En transition » est entre les mains de  Raphaël Baldos, journaliste membre de l’ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne splann!

Un choix fait conjointement avec la Biocoop Les 7 épis, qui parraine la rubrique, dans l’intention d’aller voir un peu plus loin.

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