Chez Improbable Jardin, la boutique-galerie de Marianne Thalamot, était invité cet hiver Sylvain Le Corre, un plasticien dont nous suivons le travail depuis ses débuts, avec beaucoup d’intérêt et d’admiration. Nous sommes allées le rencontrer avec une première surprise : une exposition où les œuvres, désacralisées, dialoguent avec le mobilier vendu dans le magasin. Et le mot n’est pas vain : Marianne et Sylvain ont choisi minutieusement des pièces – tables, consoles, canapé – en résonance avec les oeuvres, par leur couleur, leur forme, leur esprit.
Un choix qui nous parle vraiment, persuadées que nous sommes que le plus beau destin d’une toile, un dessin ou une sculpture n’est pas de finir dans un FRAC d’où il sera extirpé tous les dix ans, mais plutôt de vivre au quotidien avec un être qui l’aura choisi pour l’émotion ressentie. Ainsi le canapé est-il central dans cette exposition, clin d’œil à cette phrase honnie de certains artistes : « Je voudrais quelque chose pour mettre au-dessus de mon canapé » mais aussi comme un rappel des banquettes placées en face des toiles de maître des grands musées. Pour Le Corre, rien de plus qu’une transposition de son environnement personnel « Je bosse chez moi, toutes ces pièces, je les ai eues dans mon salon »
Aux murs, sur des sellettes ou des consoles, c’est un parcours qui est proposé par l’artiste, au sein de son univers personnel, toujours relié à la nature, la matière organique, la terre, des ossements, le bois, les plantes. Cette fois, le point de départ a été un torrent, et de ce torrent découle une infinité de variations autour de la pierre, le conglomérat, les branchages charriés par les eaux : « Je me suis raconté une histoire, un chaos qui brasserait toutes les matières. Pendant le confinement, je me suis constitué un paysage mental, en partant d’un tourment, comme une rivière charriant la matière, dont j’ai extrait des pierres puis créé des hybridations. J’expérimente, je teste, pour faire apparaître une nouvelle forme avec un nouveau medium ». Ce sont ces variations dont nous parlons plus haut : les pierres, les branchages, existent en volume, idées de sculptures, recomposées dans le dessin, l’aquarelle, mais aussi – et c’est très nouveau pour Le Corre – en peinture et en très grand format. A la fois textures, toiles ou objets, le parcours de l’exposition montre la recherche, l’évolution de l’imaginaire, qui conduit l’artiste à défaire et recomposer cette matière – comme les prélèvements d’un scientifique : roche, virus, greffes, os, branches, coraux ? – « des choses qui se percutent et s’assemblent, des détails glanés qui recomposent un paysage, que j’appréhende par la collection et l’assemblage, comme faire un portrait par les détails», recréant des portraits et des paysages issus d’un chaos originel, celui de Saint-Martin de Vésubie « des paysages aussi métaphoriques que visuels, des paysages de recherche et de réflexion »
Isabelle Nivet. Décembre 2020